Comment les mobilités partagées solidaires traversent-elles la crise ?
Comme toutes les mobilités, les mobilités partagées à l’instar du covoiturage ont connu un temps d’arrêt durant la période de confinement : comment les acteurs des mobilités solidaires se sont-ils adaptés à cette crise et comment préparent-ils l’après ?
Sur le papier, le covoiturage n’a jamais été interdit en France durant la phase de confinement, mais dans les faits il a été stoppé net comme la plupart des modes de transports. Maintenant que les déplacements se libèrent, à quoi va ressembler le paysage des mobilités partagées ? Afin d’éviter un retour en force de la voiture dans les villes et de désengorger les transports en commun, Élisabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire, a annoncé le 7 mai dernier vouloir défendre les alternatives automobiles. « Le covoiturage et les mobilités alternatives sont donc encouragés ». Si cette déclaration visait en premier lieu les déplacements urbains, quand est-il pour les services de covoiturages dans les zones peu denses ? Comment se sont-ils adaptés au confinement et quelles sont les perspectives ?
Lors des 6es Rencontres de la Mobilité inclusive le 5 février dernier une table ronde était consacrée aux solutions de mobilités dans les territoires ruraux et peu denses portées par les acteurs de la mobilité solidaire.
Mobicoop :« il y a aura encore plus besoin de mobilité solidaire »
Parmi les porteurs de solutions, Bastien Sibille, était venu présenter le service de covoiturage Mobicoop, une plateforme coopérative d’intérêt collectif (SCIC) qui met gratuitement en relation les covoitureurs. Mobicoop défend une vision très particulière du covoiturage le considérant comme « un bien commun, un service de transport au service de tous, dont les richesses nécessitent de rester entre les mains de ses utilisateurs », avait expliqué Bastien Sibille, président de Mobicoop.
Comment cette plateforme collaborative dont le cœur de cible est précisément les territoires peu denses, a-t-elle vécu cette crise sanitaire ?« Dans notre modèle, nos clients ce sont les collectivités qui s’engagent à développer des systèmes de mobilités partagées, si pendant la crise nous avons noté un ralentissement dans le développement des projets, notre activité n’a pas pour autant été directement impactée », déclare Bastien Sibille.
En ces temps de crise, le président de Mobicoop veut regarder les facteurs de résilience :« l’épisode que nous traversons montre à la fois qu’il est possible de beaucoup moins se déplacer et que l’impact de cette démobilité est immédiat et massif sur la qualité de l’environnement. La raison sociale de notre coopérative c’est la solidarité et l’écologie, c’est pourquoi nous défendons ce mouvement de démobilité, c’est précisément ce qui nous distingue d’autres acteurs du covoiturage. Mais cela veut aussi dire évidemment qu’il va falloir aller vers une mobilité plus solidaire. Nous aurons d’autant moins besoin de nous déplacer que nous partagerons nos capacités de déplacement ».
Pour Bastien Sibille, « si la sortie de crise risque d’être difficile, elle devrait aussi accentuer, le besoin de mobilité solidaire. Après la crise sanitaire viendront malheureusement d’importantes difficultés économiques. Face à celles-ci, il faudra être solidaire les uns les autres. Notamment sur la mobilité, car certains ménages n’auront peut-être plus les moyens d’entretenir leurs véhicules. Faire une course pour eux, faire un covoiturage solidaire vers une administration, voilà des formes concrètes de solidarité que nous allons outiller par nos interfaces »
Mobicoop a donc décidé d’axer tous ces projets sur la solidarité en travaillant à un grand système de service de mobilité solidaire : « un dispositif qui permette à la fois de venir en aide à ceux et celles qui en auront besoin et de progresser sur la voie d’une mobilité plus écologique ». La coopérative dispose déjà de trois expérimentations, la première en Bretagne avec l’association Ehop, la seconde avec France Terre d’Asile (pour accompagner les demandeurs d’asile dans leur démarche) et la troisième en région Rhône Alpes, un projet destiné aux séniors.
Rézo Pouce : « Adapter les services à la crise »
L’auto-stop : c’est une autre manière de faire du covoiturage. Alain Jean, fondateur de Rezo Pouce, était également présent aux 6e rencontres de la Mobilité inclusive le 5 février dernier pour présenter ce système d’autostop organisé. Le réseau, porté par une société coopérative d’intérêt collectif est présent dans quelques 1730 communes, il a pour vocation à pousser les citoyens a s’entraider. « Si notre activité a connu un temps d’arrêt durant le confinement nous avons poursuivi nos projets avec de nouvelles collectivités » explique Alain Jean. « Le besoin de mobilité restera une réalité dans les zones rurales et péri-urbaines et il ne faut pas oublier que l’économie d’émission de CO2 réalisée par ces non-déplacements peut être poursuivie par le partage des trajets du quotidien. Je pense que nos conducteurs seront au rendez-vous à l’issue du confinement d’autant que Rézo Pouce a pour vocation de favoriser les échanges entre voisins. Nous sommes dans un entourage de proximité avec lequel il est plus simple de demander et d’accepter des garanties ».
Le réseau a profité de cette crise pour adapter son offre grâce à l’innovation sociale et solidaire « La communauté de commune du Plateau Picard a ainsi pris l’initiative de transformer Rezo Pouce en Rezo Course pour effectuer des livraisons à domicile. Une initiative que nous avons partagée avec les autres collectivités ». Rezo Pouce travaille par ailleurs au lancement de sa nouvelle plateforme Rezo Sénior (un covoiturage solidaire pour les trajets quotidiens des plus de 65 ans) « Nous mettrons ce service à disposition de tous les territoires qui le souhaitent jusqu’à la fin de l’année », conclut Alain Jean.
Atchoum : livraison à domicile
Afin de s’adapter à cette situation exceptionnelle, les acteurs des mobilités solidaires ont donc multiplié les initiatives. Ainsi le service de covoiturage rural Atchoum, qui a proposé lui aussi durant la période de confinement une solution de livraison à domicile, destinée à tous ceux qui ne peuvent pas se déplacer. Ce service a notamment été déployé dans la communauté de communes d’Ambert Livradois Forez (Puy-de-Dôme), adhérente d’Atchoum. Celles et ceux qui avaient besoin d’être livrés pouvaient réserver des produits de première nécessité auprès d’un commerce et demander sur la plateforme qu’un des conducteurs inscrits sur sa commune les lui apporte à domicile.